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Le Festin
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14 avril 2008

Sortie théâtre

Confessions d’une grosse patate, Susie Morgenstern

 

 J’avais la boule au ventre au moment de partir. Me dire que j’allais rencontrer un écrivain, un vrai, celle qui m’avait le plus fait pleurer en un minimum de lignes, c’était déjà une décharge d’endorphine droit dans mon sang. A la fois impatiente et anxieuse, je savais que cette performance théâtrale pourrait me chambouler comme l’avait fait le livre, et encore, je n’imaginais pas ce qui pouvait ce passer.

 

 Enfin tous installés dans le petit studio télé de l’IUT, cette proximité m’intimida. Susie était déjà là (je l’appelle Susie, parce qu’après avoir lu ses livres, on ne peut plus faire autrement), se concentrant avec son metteur en scène. Elle se présentait à nous comme une amie. Pas une star, non, quelqu’un aussi humain, aussi maladroit, aussi angoissé que moi. En boucle, une chanson qui nous incitait à être « happy », au bout d’un moment un peu lassant, mais cela permettait quelques plaisanteries. Je rassurai mes voisines : « ça vous plaira, elle parle de bouffe dans son livre, et avec beaucoup d’humour ! » Pour moi c’est ce qui caractérisait le mieux son œuvre : l’humour. Le personnage qu’elle était respirait la bonne humeur, et les accessoires, déjà visibles, venaient confirmer mon hypothèse : un énorme œuf en chocolat, un gâteaux qui criait « mange moi ! »…

 

 La musique s’atténua laissant place à un brouhaha de « chuut ! ». Puis la pièce commença. Les instants qui suivirent furent pour moi des bribes de ma vie. Je m’étais sentie si seule face à la nourriture, toute ma vie, mais à voir les réactions de l’audience, c’est comme si tous étaient moi, tous étaient Susie. Cette petite fille mal dans sa peau et si bien dans la nourriture. Ce livre, c’est comme si je l’avais écris, cette pièce, c’est comme si je l’avais jouée. Ce que je vais dire est peut être un peu personnel, mais c’est ce que je ressens. On a fait des tonnes de livres, d’émissions télé, de films, d’articles sur toutes ces maladies qui avaient attrait de prés ou de loin à la bouffe. Car c’est bien de bouffe qu’il s’agit, lorsqu’elle devient obsession et qu’elle n’est plus vitale mais quasi meurtrière. L’anorexie, la boulimie, le surpoids, l’obésité, j’en ai vu défilé des mots scientifiques pour expliquer ce qui faisait que je n’étais pas comme les autres : excès de triglycérides est mon préféré. On m’a parlé de tout, mais jamais de moi, de mes sentiments, de ce que j’avais envie, réellement. On me dictait les lois de la société et on me faisait culpabiliser « tu es la seule à être comme ça, c’est donc que c’est anormal ! » voilà ce que j’entendais dans les yeux des autres. Et puis il y a eu Susie.  Une grosse patate, tout comme moi. Une grosse patate qui s’affirmait face aux maîtres pensants que peuvent être les parents, les médecins, … Une grosse patate qui osait dire que non, manger n’est pas seulement un plaisir, il peut être une drogue, une obsession, jusqu’à perdre toute valeur ; que non, ce n’est pas parce qu’on est toujours en train de rire qu’on est heureux dans notre enveloppe et surtout, qu’il ne suffit pas d’être volontaire pour maigrir. C’est bien plus compliqué, bien plus profond. C’est pour ça que lorsque tout le monde riait du ridicule des situations que Susie racontait, moi je pleurais.

 

 Et puis il y avait les poèmes, si drôles, si pathétiques :

 

Ah ! Qu’il m’insupporte celui-là

A m’observer sur ce ton là

Il croit que je ne vois pas cet air niais

Juste au milieu des bourrelets

 

Ce bide flasque et tout zébré

Il me sort par les trous de nez

 

Qu’est ce que t’as toi à gigoter ?

Cesse donc un peu de t’agiter !

 

Décision prise, ça va faire mal,

Je vais sculpter ma sangle abdominale !

 

 Quand on nous offrit de converser avec l’écrivain, je ne pouvais rien dire. J’étais elle, que pouvais-je lui demander que je ne sache déjà ? Ou alors je n’osais pas. Oui, je n’osais pas ! Puis elle nous proposa des discussions plus personnelles, et je lui ai dit. Je ne sais pas si elle réalisait l’impact qu’elle avait eu sur ma vie, mais une chose est sûre, je suis heureuse que chacun ait pu approcher de si prés ce que j’avais vécu depuis la première fois qu’on m’avait dit à la maternelle : « T’es une grosse patate ! »

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Morgenstern_site  Confession_d_une_grosse_pat  confessionpatate 
 

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Commentaires
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Chouette, franchement tu en as eu de la chance rencontrer ton écrivaine préférée !(tu as saisi l'occasion aussi ! :) bé moi ça m'a rappelé simplement, j'ai bêtement loupé un grand monsieur que je voulais voir à ce même IUT ! <br /> ;-) ...Mais mystère et boule de gomme, c'est pas à 100% en lien avec la littérature ! Bravo pour ce blog au passage, je sais pas quoi dire ^^ en tout cas vraiment intéressant, sympa et pis éclectique !
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